Démission du responsable américain de la recherche des armes de destruction.
L'introuvable arsenal irakien met Bush dans l'embarras
Par Pascal RICHE Washington de notre correspondant
lundi 26 janvier 2004
l y a près d'un an, le 5 février, le secrétaire d'Etat américain Colin Powell brandissait une prétendue fiole d'anthrax devant l'Assemblée générale de l'ONU, affirmant qu'il existait 100 à 500 tonnes d'armements chimiques en Irak. Aujourd'hui, le même Powell admet que l'Irak n'avait peut-être rien. «La question est de savoir combien de stocks ils avaient et s'ils en avaient», a-t-il déclaré à la presse dans l'avion qui le ramenait de Tbilissi, en Géorgie, ajoutant: «S'ils en avaient, où sont-ils passés ? S'ils n'en avaient pas, pourquoi ne le savait-on pas ?»
Peu à peu, les plus hauts responsables américains admettent qu'ils se sont trompés : il n'y avait pas d'armes de destruction massive en Irak. George Bush lui-même, mardi dernier lors de son discours sur l'état de l'Union, a renoncé à parler de stocks d'armes, évoquant confusément «des activités liées à des programmes relatifs aux armes de destruction massive», sans que personne ne comprenne très bien à quoi il faisait allusion. «Peut-être parlait-il de chansons dans les écoles vantant les armements ?», a suggéré l'essayiste et persifleur en chef Al Franken.
Neuf mois d'enquête. L'embarras officiel a été accru ce week-end avec la démission du responsable de la recherche des prétendus stocks d'armes, David Kay (Libération de samedi). Bredouille après neuf mois d'enquête, il a décidé de tirer sa révérence. Dans une interview à Reuters, il a expliqué qu'il ne pouvait plus travailler en raison de «la diminution des ressources» accordées à son équipe, la CIA ayant affecté une partie de ces ressources à la collecte de renseignements sur la guérilla. Sur le fond, il «pense qu'il n'existait pas» de stocks d'armes biologiques et chimiques avant la guerre. Ceux-ci, selon lui, ont été détruits après la première guerre du Golfe. Et «nous avons la preuve» que les Irakiens «n'ont pas relancé de production de grande ampleur» par la suite. La CIA a remplacé David Kay par Charles Dueffer, 51 ans, ancien inspecteur de l'ONU qui ne cache pas, lui non plus, son scepticisme sur l'existence de stocks d'armes chimiques ou biologiques.
«Bilan irakien». La démission de Kay n'a pas fait la Une des journaux : les Américains accordent moins d'importance que les Britanniques au débat sur l'existence ou non d'armes de destruction massive. Mais l'affaire vient assombrir un peu plus le «bilan irakien» de Bush, en pleine campagne électorale. Ce week-end, les candidats n'ont pas manqué de commenter ce nouvel épisode : «Pourquoi ce président a-t-il trompé le peuple américain pour l'entraîner dans une guerre inutile, une guerre qui a coûté plus de 500 vies (...) et plus de 160 milliards de dollars?», s'est interrogé Howard Dean. Pour sa part, le sénateur John Edwards, qui avait voté en faveur de la guerre, a exigé la constitution d'une «commission indépendante pour faire la lumière sur la divergence entre ce qui a été trouvé en Irak et ce qu'on nous avait annoncé».