Nucléaire : Israël redoute l'isolement
 

Israël examinait hier une riposte à l'attentat suicide ayant fait quatre morts jeudi et le Djihad islamique promettait de venger deux de ses chefs tués dans un raid israélien, marquant une reprise du cycle infernal de la violence après une relative accalmie. Israël riposte d'habitude aux attentats palestiniens en s'en prenant aux activistes des mouvements radicaux où à des cibles de l'Autorité palestinienne mais le 5 octobre dernier il avait frappé en Syrie après une attaque suicide meurtrière à Haïfa revendiquée par le Djihad islamique.

Jérusalem : Marc Henry
[27 décembre 2003]

Sur le front des armes de destruction massive, Israël redoute de se retrouver isolé. La menace irakienne a disparu. L'Iran a accepté des contrôles internationaux de ses installations nucléaires. Le colonel Khadafi a proclamé qu'il renonçait à ses armements non-conventionnels. Sous la pression américaine, la Syrie pourrait suivre le mouvement.
Pour Israël, en revanche, aucun changement n'est en vue. Une attitude qui donne de sérieux arguments aux pays Arabes pour mener une campagne contre l'armement nucléaire israélien. Jusqu'à présent, les Américains se sont abstenus de faire pression. Mais George W. Bush s'est refusé contrairement à Bill Clinton de s'engager par écrit à ce que les initiatives américaines sur le contrôle des armements ne portent pas atteinte «aux capacités de dissuasion stratégiques» israéliennes.

«Un certain secret doit être maintenu, les soupçons et le brouillard qui entourent cette question est constructif car il renforce notre dissuasion», a coutume d'affirmer Shimon Pérès, l'ancien premier ministre, considéré comme le principal artisan du programme nucléaire israélien développé dans les années 50 et au début des années 60 avec l'aide de la France.

Officiellement, Israël a toujours maintenu le flou en utilisant depuis quarante ans une formule leitmotiv assurant que l'Etat hébreu «ne sera pas le premier pays à introduire l'arme nucléaire dans la région». Mais selon les experts militaires étrangers, Israël dispose d'un arsenal comprenant quelque 200 bombes atomiques ainsi que des missiles à moyenne et longue portée. Le voile de mystère avait été en partie levé en 1986 avec les révélations de Modehaï Vanunu, un technicien employé à la centrale nucléaire de Dimona dans le sud d'Israël. Enlevé à Rome par le Mossad, il a ensuite été condamné à une peine de 18 ans de prison qu'il doit achever de purger l'an prochain.
Jusqu'à présent, les Américains ont fermé les yeux. Selon les médias israéliens, un «arrangement» datant de 1969 prévoit que les Etats-Unis n'exerceront pas de pression pour que l'Etat hébreu adhère au traité de non-prolifération nucléaire à condition qu'une certaine «ambiguïté» soit maintenue, autrement dit qu'Israël ne reconnaisse pas officiellement être une puissance nucléaire. Tous les dirigeants israéliens ont respecté ce contrat tout en arguant que la communauté internationale n'avait jamais réussi à empêcher des pays musulmans de développer des armes de destructions massives.

Récemment, Ariel Sharon a réitéré cette position et souligné qu'il est «impossible de s'attendre à ce que les Américains restent pour toujours dans la région».
Pour tenter de répondre aux critiques virulentes des pays arabes notamment de l'Egypte qui dénoncent la politique «de deux poids deux mesures» des Etats-Unis, les dirigeants israéliens se sont dits prêts à accepter des contrôles internationaux à condition que tous les Etats de la région signent un traité de paix et acceptent des contrôles israéliens de leurs installations militaires. Un scénario qui relève du mirage. Cette position risque d'ailleurs d'être de plus en plus difficilement tenable.

En guise de compromis, le quotidien libéral Haaretz a évoqué la possibilité que les Américains ressortent une proposition de traité international sur la production de matières fissiles tels que le plutonium et l'uranium hautement enrichi. Les pays signataires tels que Israël, l'Inde ou le Pakistan s'engageraient à cesser de produire ces composants indispensables à la production d'armes nucléaires dans le futur. Détail important: ces Etats ne seraient pas soumis à un contrôle international des stocks dont ils disposent.

Jusqu'à présent, Israël s'est opposé au moindre geste. Mais le changement d'environnement régional pourrait aboutir à plus de souplesse, surtout si les Américains insistent vraiment.

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