"Toujours en guerre", George Tenet tente de protéger la CIA d'une avalanche de critiques


LE MONDE | 25.02.04 | 14h09 • MIS A JOUR LE 25.02.04 | 14h56

Washington de notre correspondant

L'Agence centrale de renseignement (CIA) et son directeur, George Tenet, ont été sévèrement mis en cause, mardi 24 février, lors d'une audition organisée au Sénat. Le matin même, le New York Times a révélé que le principal service de renseignement américain avait reçu, en mars 1999, des services allemands, le prénom et le numéro de téléphone d'un homme qui résidait alors aux Emirats arabes unis et qui est devenu, deux ans et demi plus tard, l'un des terroristes du 11 septembre. Selon les informateurs allemands du Times, cette information n'a pas été exploitée par la CIA. La commission d'enquête sur les attentats de 2001 à New York et à Washington s'est saisie de ce dossier.

Interrogé par un sénateur républicain, M. Tenet a contre-attaqué en indiquant que l'alerte allemande concernant Marouane Al-Shehhi, membre de la cellule de Hambourg d'Al-Qaida, qui a joué un rôle clé dans l'organisation et l'exécution des attentats, était mentionnée dans des documents remis par la CIA à la commission sénatoriale il y a plusieurs mois. Il a souligné que les services allemands avaient seulement fait état d'un prénom et d'un numéro de téléphone. "Nous ne sommes pas restés inactifs", a-t-il assuré.

Le directeur du renseignement central, qui était entouré par ceux du Bureau fédéral d'investigation (FBI) et de l'Agence de renseignement de la défense, le vice-amiral Lowell Jacoby, a aussi été interrogé sur les armes de destruction massive recherchées en vain en Irak. Carl Levin, un démocrate, ancien président de la commission de la défense du Sénat, a accusé M. Tenet d'avoir menti, il y a un an, quand il a affirmé avoir communiqué aux inspecteurs de l'ONU la liste complète des sites irakiens jugés "sensibles" par les services américains. Selon M. Levin, des documents internes de la CIA montrent que sur 105 de ces sites, 21 n'ont pas été portés à la connaissance des inspecteurs, qui n'ont donc pas pu vérifier s'ils abritaient, ou non, des armements interdits. Selon M. Tenet, ces sites étaient déjà connus des inspecteurs.

NOUVELLES MENACES

Plusieurs sénateurs ont fait valoir que la responsabilité des services de renseignement est décuplée dans le cas d'une guerre préventive, dont le déclenchement dépend quasi entièrement des informations obtenues sur les préparatifs de l'ennemi. "Les gens ont voté l'autorisation de l'emploi de la force sur la base de ce qu'ils ont lu dans -vos- rapports, a observé la démocrate Dianne Feinstein. Ne pas trouver d'armes de destruction massive est une pilule difficile à avaler." Saxy Chambliss, un républicain, a demandé à M. Tenet si, dans l'hypothèse où Saddam Hussein aurait disposé de telles armes et les aurait cachées dans un autre pays, les services de renseignement ont une idée de l'endroit où elles pourraient se trouver. "Je ne sais pas !", a répondu M. Tenet, manifestement agacé.

"Nous ne sommes pas parfaits, mais nous sommes sacrément bons dans notre travail et nous sommes aussi préoccupés que vous de savoir si, dans le cas de l'Irak, nous avions raison ou tort", a lancé le chef de la CIA. Une sénatrice républicaine, Olympia Snowe, a interrogé M. Tenet sur ce qu'il avait voulu dire, au début du mois, quand il avait affirmé n'avoir jamais présenté la menace irakienne comme "imminente". "Comment la qualifieriez-vous ?", lui a-t-elle demandé. "Grave, croissante", a-t-il répondu. "Pensez-vous que nous avons décidé d'agir sur un critère moins élevé qu'"imminent" ?", a-t-elle insisté. "Je ne veux pas revenir en arrière", a tranché M. Tenet.

Patron de la communauté du renseignement américain, M. Tenet a beaucoup insisté sur la menace que représente toujours, selon lui, Al-Qaida. "Nous sommes toujours en guerre contre un mouvement, a-t-il dit, et ceux qui pensent que j'exagère ne voient pas le même monde que moi." Il a indiqué que l'organisation d'Oussama Ben Laden envisage d'utiliser de nouveau des avions de ligne pour commettre des attentats et qu'elle a cherché à recruter des pilotes employés par des compagnies aériennes. Elle essaie toujours, a-t-il dit aussi, de se procurer des armes chimiques ou bactériologiques, et ses agents sont particulièrement actifs, aujourd'hui, en Irak.

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