Les années Vietnam pèsent lourd
Soupçonné de s'être «planqué», Bush tente de prouver son engagement.
Par Annette LEVY-WILLARD Los Angeles de notre correspondante
jeudi 12 février 2004
Balayées d'un sourire par George W. Bush comme autant d'«attaques politicardes», samedi dernier, au cours de son interview à Meet The Press, la question de son service militaire dans la garde nationale (la réserve) pendant la guerre du Vietnam a ressurgi sur le front de la présidentielle. Les démocrates, reprenant des informations publiées en 2000 par le quotidien Boston Globe, ont demandé où Bush, entré par piston dans la garde nationale aérienne du Texas en 1968, était passé fin 1972 début 1973, les archives de la garde ne donnant aucune preuve qu'il ait bien effectué les périodes de service qu'il aurait dû effectuer.
Bombe électorale. La Maison Blanche s'est empressée de rendre publiques mardi soir les archives de la garde nationale afin de désamorcer une bombe électorale potentielle. D'un côté, un candidat démocrate, John Kerry, couvert de médailles militaires pour héroïsme au Vietnam et qui a osé, ensuite, s'opposer à la «sale guerre». De l'autre, un chef de l'Etat qui se présente comme un «président de temps de guerre», mais qui se serait planqué pour... ne pas aller à la guerre. Etudiant à Yale, Bush s'était effectivement engagé à la base aérienne de Houston (Texas) pour y devenir pilote. Il avait eu la chance d'être accepté dans la garde nationale du Texas, sur piston des amis de son père, alors élu de l'Etat. Il avait du coup évité tout risque de se voir mobilisé pour aller combattre au Vietnam. Et il y avait beaucoup moins de danger à protéger le golfe du Mexique d'une hypothétique attaque que de partir en mission au-dessus du golfe du Tonkin. Bush apprit à piloter des chasseurs F102.
Disparition. Mais, selon les documents, il disparut de Houston pendant tout l'été 1972 au moins. Que faisait-il alors que les «boys» se faisaient tuer au rythme de 300 morts par semaine ? Il était en Alabama pour y diriger la campagne électorale de Winton Blount, un ami de son père. Il affirme avoir demandé et obtenu de la garde nationale l'autorisation de se transférer en Alabama. «Il n'y a peut-être pas de documents, mais je me suis présenté à la base en Alabama», a-t-il expliqué à Meet The Press. Sauf que personne ne se souvient l'avoir vu et qu'aucun document n'atteste de sa présence. L'un des commandants de la base, le lieutenant-colonel Turnipseed, a avoué n'avoir aucun souvenir d'un Bush junior en Alabama. Après que Blount a perdu l'élection, Bush est retourné au Texas, à la base d'Ellington. Les archives montrent quelques jours de présence, puis il disparaît de nouveau en février-mars 1973. Le pilote de chasse ne vole plus. Le 18 septembre 1973, il est placé off duty (hors service) pour lui permettre d'entrer à la Harvard Business School. Il reçoit en octobre une honorable discharge (certificat de service) six mois avant la fin de son contrat.
«Déserteur». En 2000, la «planque» de Bush n'avait pas été utilisée par son adversaire Al Gore. Aujourd'hui, face à Kerry et ses médailles, et alors qu'il a envoyé 100 000 soldats américains en Irak, cet épisode militaire peu glorieux pèse plus lourd. L'affaire a été relancée par le cinéaste Michael Moore, qui a traité publiquement Bush d'Awol (Absent without leave, «déserteur»). Kerry, qui avait au début de la campagne rappelé les non-états de service du Président, préfère maintenant le «no comment». Mais, selon le dernier sondage Time/CNN, 60 % des électeurs pensent que Kerry a rempli son devoir envers son pays. Seulement 39 % pensent que le président Bush l'a fait...